synthèse mis à jour le
19 novembre 2003 |
La lacto-fermentation des légumes
Comprendre et affiner la préparation des légumes lacto-fermentés. |
Ce document s’adresse à celles et ceux qui désirent comprendre et affiner la préparation des légumes lacto-fermentés. Il est en aucun indispensable pour commencer à lacto-fermenter des légumes, pour cela se reporter alors à la recette légumes lacto-fermentés.
Contrairement à la conservation par le froid (congélation, surgélation) ou la chaleur (stérilisation, pasteurisation), la lacto-fermentation ne nécessite aucune énergie et ne détruit pas les nutriments. Elle fournit ainsi un aliment de haute qualité nutritive à moindre coût financier et écologique.
qu’est-ce qu’une fermentation ?
Une fermentation est la transformation de substances organiques (ici les légumes) sous l’action d’enzymes (encore appelées " ferments ") produites par des micro-organismes. Il en existe de différentes natures (alcoolique, lactique, acétique...) selon le produit obtenu (alcool, acide lactique, acide acétique...)
les micro-organismes intervenant dans les fermentations sont de deux types. Les bactéries sont des êtres vivants unicellulaires indispensables à la vie, elles participent à tous les processus de décomposition de la matière organique et jouent un rôle prépondérant dans la fermentation lactique.
Les champignons microscopiques regroupent les levures et les moisissures. Les levures interviennent notamment dans les fermentations alcooliques. Les moisissures altèrent très souvent les aliments mais il en existe de " bonnes " utilisées par exemple dans la fabrication des fromages (roquefort, camembert...)
Dans un milieu favorable, ces micro-organismes se multiplient très rapidement. Ils sont détruits par la chaleur mais simplement inhibés par le froid.
le processus de fermentation se déclenche quand les conditions de température, d’acidité, d’oxygène et de nutriments favorables aux micro-organismes sont réunies. Ceux-ci synthétisent alors les enzymes nécessaires à la décomposition des grosses molécules (telles les glucides qui leur fournissent l’énergie) en molécules plus petites qu’ils peuvent assimiler. Il s’ensuit une succession complexe de réactions chimiques qui conduisent au produit final.
les différentes fermentations.
Lors d’un processus de fermentation, les différentes espèces de micro-organismes (et donc les différents types de fermentation) entrent en concurrence. Le produit final est donc toujours le résultat de plusieurs types de fermentation.
La conservation par fermentation lactique consiste à favoriser le développement des bactéries lactiques. Ces bactéries produisant de l’acide lactique, le milieu s’acidifie progressivement et empêche la prolifération des autres micro-organismes, notamment les micro-organismes pathogènes ou indésirables comme les moisissures.
La lacto-fermentation des légumes se déroule en trois phases :
Les légumes lacto-fermentés peuvent se conserver ainsi plus d’une année.
les légumes. Il est possible de faire lacto-fermenter la plupart des légumes (ail, côte de bette, betterave, carotte, céleri, champignons, choux de toutes sortes, concombre, courgette, fève, haricot vert, navet, oignon, petit pois, poivron, potiron, radis, scarole, tomate...). Ils doivent être issus de culture naturelle : une des principales causes d’échec lors de la lacto-fermentation est l’utilisation de légumes ayant subi des traitements ou des amendements chimiques. Une longue période pluvieuse n’est favorable ni aux légumes dont la teneur en sucre et la concentration en substances aromatiques diminuent ni aux bactéries lactiques présentes à la surface des légumes. Quelques jours de soleil et de chaleur remédient à ces inconvénients. A noter que la tomate bien mûre (la tomate verte contient trop de solanine, substance toxique) contient des substances de croissance favorisant la multiplication des bactéries, on peut en ajouter à toutes les préparations.
les aromates. ail, aneth, coriandre, cumin, estragon, feuille de cassissier, griottier, framboisier, genièvre, laurier, moutarde, piment, raifort, sarriette, thym... Non seulement les aromates apportent saveurs et arômes aux préparations, mais ils sont également riches en substances actives. Ainsi, l’ail, les baies de genièvre et le piment contribuent à empêcher la pourriture ; les feuilles de framboisier et de cassissier sont riches en bactéries lactiques ; les baies de genièvre et le cumin facilitent la digestion de la choucroute.
l’eau. Il est recommandé d’utiliser de l’eau de source (pas de l’eau en bouteille !). Si l’on utilise de l’eau du robinet, il faut la laisser reposer une nuit ou la faire bouillir quelques minutes pour que le chlore s’évapore.
le sel marin est recommandé pour sa teneur en minéraux et en oligo-éléments. La quantité de sel nécessaire dépend de la qualité des légumes. Un manque de sel peut conduire à une fermentation alcoolique et au pourrissement des légumes.
l’ensemencement n’est pas indispensable, il favorise et guide la fermentation. Le petit-lait, riche en lactose, vitamines et sels minéraux, favorise la fermentation des légumes pauvres en éléments nutritifs comme les concombres. Le jus de préparations lacto-fermentées (notamment le jus de concombre) permet un démarrage rapide de la fermentation.
Il n’est pas besoin de matériel sophistiqué pour lacto-fermenter.
les récipients. Les bocaux en verre à vis (que l’on récupère aisément), tout comme les bocaux à joint, conviennent parfaitement, ils permettent de faire de multiples essais et d’ouvrir les bocaux au fur et à mesure de sa consommation. Les pots à joint d’eau sont des récipients spécialement conçus pour la lacto-fermentation : ils laissent s’échapper le gaz carbonique produit par la fermentation mais empêche l’entrée d’air et donc d’oxygène néfaste à la lacto-fermentation. Traditionnellement, on utilisait des récipients ouverts (tonneau en chêne, pot en grès), ces récipients nécessitent plus d’attention et une mise en place plus compliquée (linge, planchette, pierres...)
la préparation des légumes consiste à les éplucher, les couper ou les râper. Un bon couteau de cuisine, un couteau économe (ou épluche-légume) et une râpe suffisent amplement. Il existe des instruments spécialisés tels le rabot à choucroute ou le dérouleur de navet, ils n’ont d’intérêt que pour les très grandes quantités.
la mise en pot demande de tasser fortement les légumes. Selon la taille du pot, on utilise un pilon, le poing ou les pieds. Pour les récipients ouverts, il faut de plus placer une planchette recouverte d’un linge et lestée d’une pierre pour faire pression sur les légumes.
la préparation. Il existe de très nombreuses recettes pour préparer les légumes lacto-fermentés avec autant de variantes mais elles s’appuient généralement sur un des deux principes suivant :
Soit
soit
la fermentation. Une fois la préparation achevée, la fermentation est influencée par la température à laquelle on place les pots. Au départ, il est important d’avoir une température supérieure à 15°C et inférieure à 25°C pour que la fermentation démarre rapidement, la température optimale se situant, selon les légumes, entre 18°C et 22°C.
Une méthode simple pour guider la fermentation en température consiste à laisser les pots à la cuisine pendant 3 jours puis de les placer dans un endroit plus frais (la cave, le cellier...) jusqu’à consommation.
Il est par ailleurs possible de contrôler plus précisément la température pour obtenir un produit plus raffiné. Voici quelques données indicatives qui ne sont pas des règles absolues :
pré-fermentation | acidification | stockage | |
---|---|---|---|
chou | 20 à 22°C pendant 2 j. | 15 à 18°C pendant 14 à 21 j. | 0 à 10°C |
potiron | 1 à 20°C pendant 8 à 10 j. | 0 à 10°C pendant 6 à 8 sem. | 0 à 10°C |
carotte | 20°C pendant 2 j. | 18°C pendant 10 à 14 j. | 0 à 10°C au moins 4 sem. |
concombre | 18 à 20°C pendant 2 j. | 18°C pendant 10 à 14 j. | 0 à 10°C |
Pour la phase de stockage, il est parfois préconisé de placer les pots dans le bas du réfrigérateur. Cela nous semble peu cohérent dans la mesure où la réfrigération est vorace en énergie alors que la lacto-fermentation permet justement d’éviter la consommation d’énergie (contrairement à la stérilisation, la pasteurisation, la congélation ou la surgélation...). Si la température s’élève au-dessus de 10°C, cela ne compromet en rien la conservation des aliments, ils seront simplement un peu plus acides. Elle influence cependant la durée de conservation mais les légumes se conservent aisément plus d’un an même si la température est supérieure à 10°C.
le sel favorise les bactéries lactiques au détriment des autres organismes. L’activité des micro-organismes aérobies lors de la pré-fermentation est donc fortement influencée par la teneur en sel. Ce sont ces micro-organismes qui ramollissent les légumes. Si l’on veut des légumes croquants, on mettra plus de sel, si l’on veut les amollir, on en mettra moins.
la température. Plus la température est élevée, plus les bactéries sont actives. Durant la pré-fermentation, une température élevée favorise l’amollissement des légumes. Une température basse lors de la phase de stockage permet de conserver des sucres nécessaires à la formation des arômes. Ainsi, les préparations faites en été ont tendance à être très acides et moins goûteuses, tous les sucres étant transformés en acide lactique. Si les conditions ne permettent pas une température basse, on raccourcit la durée de pré-fermentation et d’acidification.
l’ensemencement consiste à apporter un " levain " : des bactéries lactiques et un milieu qui leur est favorable (petit-lait, jus de légume lacto-fermenté) ; de ce fait, il a le même type d’influence que le sel sur la consistance des légumes : plus on apporte de " levain ", plus les légumes sont croquants. De plus, l’ensemencement oriente fortement la fermentation et la saveur du produit final puisqu’il apporte des bactéries spécifiques (au petit-lait ou aux concombres par exemple). Le même légume fermenté dans les mêmes conditions avec ou sans ensemencement n’aura pas le même goût.
la taille des morceaux influe sur la quantité de sucre libérée lors de la fermentation et donc sur l’acidité du produit final. Des légumes entiers ou des gros morceaux libèreront peu de sucre et seront moins acides.
La lacto-fermentation est un procédé de conservation sûr, nous n’avons jamais entendu parlé d’intoxication suite à l’ingestion de tels aliments. La simple observation du produit final nous indique si la fermentation est réussie. Les légumes obtenus doivent être appétissants, d’une saveur agréable et acidulée. Une mauvaise fermentation dégage une odeur nauséabonde et les aliments ont un goût de moisi ou de pourri. Elle est souvent due à une température trop basse ou trop élevée au départ ou au contact avec l’air (légumes non immergés).
l’acide lactique, produit lors de la lacto-fermentation, existe sous deux formes appelées L(+) et D(-). De même formule chimique, ces deux molécules diffèrent par leur structure. Lors de la lacto-fermentation des légumes, les deux formes sont produites, leur proportion dépend des bactéries lactiques présentes. L’acide lactique L(+) est produit naturellement dans l’organisme humain, il participe à la production d’énergie. La forme D(-), dont le rôle physiologique reste mal connu, est éliminé par les reins et le foie.
L’acide lactique facilite la digestion : il fournit des sucs digestifs, régularise l’acidité de l’estomac, facilite la décomposition des protéines et favorise l’assimilation du fer.
Il favorise également le métabolisme et la respiration cellulaire (il est souvent préconisé dans le traitement des cancers). C’est également un désinfectant naturel qui a déjà permis de guérir des cas de dysenterie aiguë.
les bactéries et les ferments lactiques sont naturellement présents dans l’intestin où ils jouent un rôle prépondérant (digestion des glucides et des protéines, synthèse de vitamines B et K, inhibition des germes pathogènes...). Le bon fonctionnement de l’intestin est indispensable à une bonne santé. L’ingestion de légumes lacto-fermentés favorise la flore intestinale souvent malmenée par une mauvaise alimentation ou l’absorption de médicaments (notamment les antibiotiques).
la teneur en vitamines des légumes lacto-fermentés est généralement élévée. Non seulement la fermentation assure une bonne conservation des vitamines présentes dans les légumes (l’acidité du milieu est favorable à la conservation de la vitamine C), mais les micro-organismes synthétisent également de nouvelles vitamines notamment B et C.
D’autres substances sont produites. Par exemple, on trouve dans la choucroute, de la choline qui abaisse la pression sanguine et évite l’accumulation des graisses dans le foie et de l’acétylcholine dont l’action sur le système nerveux végétatif assure un plus grand calme et un meilleur sommeil.
La lacto-fermentation a une action antiseptique sur les légumes : d’une part l’acidification du milieu inhibe les micro-organismes pathogènes, d’autre part lors de la fermentation sont produites des substances antibiotiques ce qui limite la propagation des maladies infectieuses telles que la typhoïde, la tuberculose, les infections intestinales et vaginales...
Par ailleurs, les nitrates et les nitrites sont partiellement décomposés lors de la fermentation.
Dans la médecine de nos ancêtres, les aliments lacto-fermentés ont toujours joué un rôle important. L’action bénéfique des légumes lacto-fermentés sur le fonctionnement de l’intestin constitue sans doute leur principale vertu médicinale ; en effet, nombre de maladies s’accompagnent d’une mauvaise fonction intestinale et le rétablissement de cette fonction est un atout majeur pour la guérison.
Par ailleurs, des expériences récentes ont montré que les aliments lacto-fermentés ont une action inhibitrice sur certaines tumeurs. Les aliments lacto-fermentés sont souvent préconisé dans le traitement des cancers.
Les légumes lacto-fermentés sont également fortement recommandés aux diabétiques : les glucides sont en grande partie décomposés et l’acide lactique active les sécrétions du pancréas.